Voilà déjà que l’auteur cherche à foutre le camp.

Il pourrait par exemple partir pour Crewe – ville d’Angleterre – puisque la jolie serveuse monstre bien roulée de vingt-trois ans à culotte bavaroise customisée est étudiante en littérature britannique (et en psychologie, mais l’auteur n’a pas lu Jung, alors il s’en fout qu’elle soit étudiante en psychologie, de toute façon la psychologie, les femmes et l’auteur ne font pas bon ménage). Crewe : 71’722 habitants. Un peu plus que Fribourg – deux fois plus d’accord – mais moins qu’avec Villars-sur-Glâne, Marly et compagnie. Pourquoi Crewe ? A cause des locomotives.

A Fribourg, les locomotives, bof. A Crewe, waw ! Waw, en anglais, ça veut dire waw. Ça dit ce que ça dit. Pas besoin de traduire. Demander quand même à la jolie serveuse et tout le toutim juste pour le principe de lui demander, mais nous avons oublié que l’auteur est rentré chez lui et qu’il n’a sous les yeux que le Cri de Munch parce que c’est juste en dessous de Crewe (si l’on excepte la centrale nucléaire de Creys-Malville) dans le Petit Robert des Noms Propres.

A Crewe – c’est écrit – il y a aussi les bagnoles. Pas les pourries, les Bentley et les Rolls. A Fribourg aussi, il y a des bagnoles. Mais à Crewe, on les construit, les bagnoles, alors qu’à Fribourg, on essaie – sans succès – de les parquer, les bagnoles. Et c’est pas des Bentley, les bagnoles, à Fribourg. Ni des Rolls. Des quoi ? Des noires et des blanches, comme les vaches et comme le drapeau, des sans cornes.

La marque ? Quand on était gamins, on regardait passer les voitures – on disait pas encore les bagnoles, on était bien éduqué quand on était gamin – et on notait toutes les marques. Retomber en enfance (en noter dix, de marques, quand on était gamins, on en notait des centaines, on passait des journées entières à noter sur des feuilles les marques de bagnoles).
Alors ?
- 1. Ford.
- 2. (le problème, c’est qu’on a oublié quel sigle quelle marque) BMW.
- 3. Renault.
- 4. (le bus, ça ne compte pas) Mistubishi.
- 5. (heureusement qu’il y a Google) Honda.
- 6. (deux coureuses de moins de cinquante ans, une blanche, une noire, ça ne compte pas non plus) Opel.
- 7. (un vieux sur un vélo, faut pas pousser, même si ça l’aiderait, à la montée, parce qu’il a de la peine, pépé, mais bon, avec les vélos électriques, de nos jours, je répète, faut pas pousser) Audi.
- 8. Citroën.
- 9. Volkswagen.
- 10. (Bentley ? Rolls ?) Mercedes.
C’était court, non ? Encore dix ?
- 11. Fiat.
- 12. Peugeot.
- 13. Un type qui court (si, si, ça compte, quand on était gamins, on comptait bien Juliette quand elle allait au pain et on la recomptait quand elle remontait du pain)
- 14. Dacia.
- 15. Jeep.
- 16. Corneilles (si, si, le ciel aussi, ça compte).
- 17. Tesla.
- 18. Le bus (comment ça on a dit que ça comptait pas, le bus ? bien sûr que ça compte.)
- 19. (putain, y’a que des VW, comme à l’époque du moustachu) Un type qui court (putain, y’a que des types qui courent !).
- 20. (celle-là, on la fait sérieusement, quitte à rester toute la nuit) (c’est chaque fois les mêmes : à Fribourg, il y a dix bagnoles qui tournent en rond et on a l’impression qu’il y en a des milliers, mais pas une seule Rolls ni une seule Bentley, pas comme à Crewe) Volvo (pas sûr, mais j’en ai marre).
D’autres différences entre Fribourg et Crewe ? Est-ce qu’à Crewe, ils ont le musée suisse de la machine à coudre ? Est-ce qu’à Crewe, ils ont la fontaine à Tinguely ?
Est-ce qu’à Crewe, ils ont Hubert Audriaz ? Est-ce qu’à Crewe, ils ont ces deux nanas qui passent en causant suisse allemand ? Est-ce qu’à Crewe, ils ont la lune ? Pas n’importe quelle lune, la lune gibbeuse – ils ont aussi ça, à Crewe ? – au-dessus de Bourguillon, la lune gibbeuse ? Est-ce qu’à Crewe, ils ont des jolies serveuses monstre bien roulées de vingt-trois ans en jupe-culotte à ficelles qui sont étudiantes en psychologie et en littérature britannique le reste de la semaine ? Est-ce qu’à Crewe, ils ont cette odeur de pomme de terre pourrie comme là maintenant ? Ils ont pire, à Crewe, ils ont l’odeur des locomotives, ça pue, les locomotives, et l’odeur des Bentley et l’odeur des Rolls, ça pue, les bagnoles, surtout les anglaises, c’est comme les femmes – tais-toi, t’entends ce que tu dis ? – bon d’accord, c’est pas les Anglaises qui puent, c’est les Irlandaises, parce qu’elles sont rousses – tu dis vraiment n’importe quoi, t’as appelé le docteur que je t’ai dit ? – C.J. Jung, tu veux rêver ? – Oui, je veux rêver, il paraît que les rêves, c’est bourré de symboles – C’est toi qui est bourrée, ma pauvre vieille ! – Pauvre vieille, merci bien ! – Parce que t’as vingt-trois ans, toi, que t’es monstre bonne et tout et tout ? Non, alors tu te la fermes. – T’as fini, oui ? Parce que moi aussi, j’ai fini, et ce soir tu sais quoi ? – Je sais, l’aspirine, mal de crâne, pas ce soir, on connaît la chanson – Non, ce soir, Ibrahim. – T’es qu’une trainée – Trainée de force par un connard. – Vas-y, ma belle, fais-toi défoncer le derche par ce bougnoule, faudra pas venir pleurer quand il t’aura piqué ton blé et que t’auras choppé la chtouille – Comment j’ai fait pour aimer un type pareil ? – Parce que tu m’as aimé ? – Figure-toi que oui, mais t’as raison, je suis vraiment conne. – Tu vois que t’es capable de lucidité ! Et t’iras où quand ce rastaquouère se sera trouvé une jolie petite serveuse de vingt-trois ans monstre bien roulée avec un string à bretelles, une qui est étudiante en un machin que t’as même pas compris ce que ça veut dire, t’iras où, dis-moi moi voir où t’iras – Je sais pas, j’irai à Crewe et je roulerai en Bentley. – Mais bien sûr, et pourquoi pas en locomotive ?